Histoire du monde

Récit de l'histoire d'Aethoria : les ères traversées par l'humanité, des origines de l'homme jusqu'à nos jours, par Jorba Caznevick, rédigé au cours de l'an 337 de la reconstruction.

Origine du monde et de l'humanité

Beaucoup d'érudits ont spéculé (et beaucoup continuent de le faire) sur la création d'Aethoria et de l'humanité. J'ai moi-même mes propres hypothèses, mais dans cet ouvrage je m'abstiendrai autant que possible de vous livrer mes théories personnelles afin de vous dresser un portrait plus global de nos connaissances. La vérité est que personne ne peut se targuer de savoir avec certitude comment le monde a été créé ni comment les humains ont vu le jour. Certains pensent que le monde et tout ce qui s'y trouve ont été créés par les dieux ; cette hypothèse était surtout répandue à l'ère des dieux, évidemment, mais elle subsiste encore de nos jours (et a même regagné en popularité). Par la suite, lorsque les mages ont identifié l'érys (la substance derrière la magie et qui semble servir de toile de fond au monde physique), certains ont émis l'hypothèse que le monde a émergé d'un surplus d'érys qui s'est solidifié. D'autres encore pensent que cette question n'a aucun sens : le monde a toujours existé, et il existera toujours, de même que les humains et autres espèces. D'autres disent que le monde suis un cycle, qu'il évolue, finit par s'effondrer en entraînant la destruction de toute chose, puis il se reforme et recommence un cycle. Bref, personne ne sait ce qu'il en est vraiment, et sans doute que nous ne le saurons jamais.

L'ère primitive

Cette ère désigne les débuts de l'humanité, lorsque les hommes étaient à peine plus que des bêtes sauvages assemblées en tribus. Personne ne sait quand cette ère a commencé (des estimations ont été avancées par diverses personnes, mais elles sont tellement disparates et éloignées les unes des autres que je préfère n'en donner aucune), et la date à laquelle elle se termine est également soumise à débat, même si la fourchette est ici plus restreinte. Communément, il est admis que la fin de l'ère primitive se situe entre 5000 et 6000 ans avant la dégénérescence. On ne sait presque rien de cette époque car nos ancêtres n'avaient pas encore inventé l'écriture. Imaginez simplement des tribus de tailles diverses, généralement nomades, vivant dans des huttes sommaires faites de peaux et de branchages, se vêtant eux-mêmes de peaux (éventuellement d'habits grossiers en cuir ou en fourrure sur la fin de l'ère), se nourrissant de chasse, de pêche et de cueillette. Certains érudits situent les premières tribus sédentaires (avec les premières tentatives d'élevage et d'agriculture) à la fin de l'ère primitive, d'autres considèrent au contraire que cela fait partie du début de l'ère suivante.

L'ère des dieux

Cette ère, qui commence donc entre l'an -5000 et -6000, est celle où l'humanité a commencé à vénérer les dieux. Cela lui a permis d'accéder à la magie au travers des prières, lui permettant de se démarquer encore plus des autres espèces. L'usage des miracles (ainsi que l'on nomme la magie pratiquée au travers de la prière) s'est développé tout doucement en même temps que les divers cultes et les premières civilisations humaines sont apparues, souvent dirigées par des prêtres (au moins à leurs débuts). C'est à cette époque qu'on émergé les premiers royaumes et que l'homme a commencé à devenir ce qu'il est aujourd'hui, avec le développement de l'art, l'invention de l'écriture, de l'architecture, et de tous les nobles métiers qui façonnent notre civilisation, tout cela aidé par l'intervention des dieux au travers des prêtres.

Au fur et à mesure des siècles, la magie a fini par se développer en dehors de la prêtrise : certains individus naissaient avec un don pour la magie et pouvaient en faire usage sans avoir à prier un quelconque dieu : on appelle ces gens des mages naturels. Selon les endroits, les enfants naissant avec un tel don étaient soit tués (en général par les prêtres qui considéraient cela comme une hérésie), soit loués comme étant des envoyés divins (les plaçant ainsi sous la coupe du clergé). Il a fallu de nombreux siècles pour que ces mages naturels soient reconnus comme n'ayant pas de lien avec les dieux, et pour que les deux formes de magie ne se mettent vraiment à coexister.

S'il y a encore beaucoup de zones de flou sur cette ère, notamment sur son début, nous disposons de traces écrites suite à l'invention et au développement de l'écriture, ce qui nous donne une idée relativement précise de l'état du monde, en particuliers sur les derniers siècles de cette ère.

L'ère des mages

Cette ère est la mieux connue de toutes, puisque c'est celle qui s'est terminée la plus récemment. On situe généralement le début de l'ère des mages à environ 2300 ans avant la dégénérescence. Cette ère commence lorsque apparaissent les premiers mages arcaniques. Contrairement aux mages naturels, ces derniers n'avaient pas un talent inné pour la magie mais ont appris à en faire. Cela a été possible grâce à l'identification de l'érys, la substance invisible qui rend la magie possible (la magie est une manifestation de l'érys). Certains érudits ont trouvé le moyen, par divers rituels et par un entraînement mental rigoureux, de plier l'érys à leur volonté, leur donnant des capacités similaires à celles d'un mage naturel.

L'ère des mages a donc vu cohabiter trois formes de pratiquants de la magie : les prêtres accomplissant des miracles grâce à l'intervention des dieux, les mages naturels qui avaient un don inné pour manipuler l'érys, et les mages arcaniques qui avaient appris à le faire grâce à un entraînement rigoureux et un savoir aujourd'hui quasiment disparu.

Pendant les 23 siècles qu'a duré l'ère des mages, les mages arcaniques n'ont cessé de devenir plus nombreux et plus puissants, au détriment des prêtres. En effet, le nombre de mages augmentant, les gens délaissaient de plus en plus les dieux, ne voyant pas la nécessité de leur vouer un culte alors que quasiment n'importe qui pouvait apprendre à faire de la magie sans leur aide. Les divers cultes ont perdu en importance, et même s'il a subsisté quelques prêtres ici et là, bien peu de gens se souciaient encore des dieux. Il semble également que les miracles des prêtres étaient de moins en moins puissants, mais cette information est à prendre avec précaution car le très faible nombre de prêtres et d'adeptes des cultes fait qu'on a finalement très peu de données sur l'état de ces derniers à la fin de l'ère. Peut-être cette apparente baisse de puissance n'est que le résultat du désintérêt général pour cette forme de magie, conjuguée à l'augmentation constante de puissance des mages arcaniques.

L'ère des mages porte bien son nom, car vers la fin on estime que près d'une personne sur quatre pratiquait une forme de magie (la forme arcanique dans la très grande majorité des cas). Alors certes, la plupart des pratiquants n'avaient qu'une formation très basique et ne pouvaient faire que de petits sorts, souvent dans un domaine précis, mais il y avait aussi de nombreux mages puissants, voire très puissants. Durant cette ère, les diverses civilisations se sont très fortement développées en s'appuyant sur la magie : construction d'immenses cités, créations de puissants objets de pouvoir, guérison des maladies, amélioration de la qualité de vie globale, cultures magiquement amplifiées... La plupart de nos récits épiques et de nos légendes se situent à l'ère des mages : grandes batailles entre mages, héros terrassant de puissantes créatures, artefacts magiques d'une puissance incroyable... Durant cette ère, l'humanité a atteint son zénith.

La dégénérescence

La dégénérescence est le nom donné à un cataclysme d'ampleur mondiale qui a mis brutalement fin à l'ère des mages. Personne ne sait exactement comment ni pourquoi ça s'est produit, mais un beau jour l'érys (et la magie par extension) s'est mis à dégénérer de façon extrêmement brusque et violente. Cela a entraîné une destruction jamais vue sur l'ensemble du monde, en particulier dans les grandes villes où la concentration de magie était la plus importante. Toutes les grandes villes ont été entièrement détruites ou presque, les mages sont morts de façon plus ou moins horrible (changés en pierre, explosion spontanée, brûlés vifs, transformés en poussière...) et les rares pratiquants de la magie qui ont survécus (généralement parmi les plus faibles) ont perdu tous leurs pouvoirs et ont gardé de graves séquelles mentales (et souvent physiques également). Même dans les régions moins peuplées (voire sauvages), la dégénérescence a profondément marqué la nature : des ravins sont apparus, des lacs et des rivières se sont asséchés et la mer a englouti une partie du continent de Caemistra.

La dégénérescence a duré seulement 4 jours, mais ça a suffit pour que les trois quarts de la population périsse selon certaines estimations. Certaines espèces d'animaux et de plantes ont disparu ou presque, et d'autres sont apparues (souvent des créatures et des plantes qui ont muté sous l'influence de la magie hors de contrôle).

Bien que de nombreuses hypothèses continuent d'être avancées pour expliquer ce cataclysme, aucune n'a pu être confirmée. Voici les trois hypothèses qui reviennent le plus souvent :

• L'usage intensif de la magie aurait dépassé un seuil critique, provoquant une sorte de «tremblement de l'érys» qui aurait causé le cataclysme
  

• Les anciens dieux, vexés d'avoir été autant délaissés, se seraient vengés en provoquant la dégénérescence
  

• L'érys lui-même, en tant qu'entité consciente (ce qui est déjà très discuté par les érudits), se serait réorganisé spontanément afin d'empêcher les mages arcaniques de continuer à pratiquer leur art, cette brusque réorganisation de l'érys ayant engendré le chaos que l'on connaît
  

Cette dernière hypothèse est certainement celle qui soulève les débats les plus virulents. De nombreuses personnes la trouvent absolument ridicule (elle part du principe que l'érys aurait une conscience), mais ses défenseurs ont un argument de poids, comme nous le verrons plus tard dans cet ouvrage. Quoi qu'il en soit, et bien que ses origines réelles restent inconnues, il est indéniable que la dégénérescence est l'événement le plus tragique et le plus marquant de toute l'histoire de l'humanité.

La reconstruction (ou nouvelle aube)

Ainsi avons nous nommé l'ère dans laquelle nous nous trouvons actuellement et qui fait suite à l'ère des mages et à la dégénérescence (le nom de nouvelle aube est beaucoup moins populaire, mais il est tout de même fréquemment utilisé à certains endroits du monde). Ce dernier événement marquant un tel tournant dans l'histoire du monde, il a été décidé au cours de cette ère de remettre à zéro notre calendrier afin de compter les jours à partir de la fin de la dégénérescence, lorsque l'humanité a commencé à se relever de ses cendres. À l'heure où j'écris ces lignes, nous sommes en l'an 337 de la reconstruction ; cela fait donc un peu plus de 3 siècles que l'humanité a vécu le plus grand cataclysme de tous les temps et a commencé à rebâtir un nouveau monde.

En vérité, le début de cette période n'avait rien de très réjouissant. Suite au cataclysme qu'a été la dégénérescence, l'anarchie a régné un peu partout pendant plusieurs décades, voir plusieurs mois. Les gens se battaient pour les ressources disponibles, en particulier la nourriture qui se faisait rare. En effet, la plupart des cultures recevaient une aide magique, si bien que la dégénérescence a détruit la grande majorité des champs qu'il a fallu replanter, cette fois-ci sans assistance magique d'aucune sorte. Or, les cultivateurs étaient habitués depuis des décennies, voire des siècles, à ce que leurs cultures poussent bien sans trop d'efforts et ne craignent ni les maladies ni les vermines. Ils ont dû réapprendre à cultiver sans l'aide de la magie comme leurs ancêtres le faisaient avant l'ère des mages, ce qui a nécessité de très nombreuses années d'expérimentations.

La population mondiale a donc continué de décroître pendant plusieurs années après la dégénérescence, principalement à cause des diverses famines, la première et la plus violente ayant eu lieu pendant l'hiver qui a suivi la dégénérescence. À cela il faut ajouter les conflits issus de la disparition soudaine de tous les gouvernements (tous les souverains avaient une formation de mage et en avaient à leur service, si bien qu'ils sont tous morts pendant le cataclysme). Les communautés ont dû se rassembler et se reformer tout en luttant pour la possession des ressources afin d'assurer leur survie. Ces quelques années de troubles, mélange de guerres entre factions pour le pouvoir, de pillage des communautés voisines pour la survie ou simplement de vengeance sur de présumés responsables du cataclysme, ont fait beaucoup de victimes. Lorsque la situation s'est finalement à peu près stabilisée au bout d'une décennie, on estime que la population humaine représentait seulement un dixième de ce qu'elle était à la fin de l'ère des mages.

Une fois passée cette première phase peu glorieuse, la reconstruction a pu réellement débuter. Certains des royaumes existants se sont divisés pour donner naissance à de nouveaux territoires et les gens ont appris à vivre sans l'aide quotidienne et omniprésente de la magie. La reconstruction se poursuit encore de nos jours, mais notre époque est bien moins troublée que ne l'a été celle du début de cette nouvelle ère.

Les conséquences de la dégénérescence

Outre les pertes immenses et le chaos engendré directement par le cataclysme, la dégénérescence a eu d'importantes conséquences à long terme qui demeurent encore actuellement, et qui perdureront sans doute à jamais ou jusqu'à un nouveau cataclysme similaire.

L'une des conséquences les plus évidentes est la quasi-disparition de la magie chez les humains. Avec la mort de la très grande majorité des mages lors du cataclysme (et les rares survivants portant de très lourdes séquelles), presque toutes les connaissances magiques du monde ont été perdues. Cependant, même si nous en disposions encore, cela ne nous aurait vraisemblablement servi à rien : toutes les tentatives de manipuler l'érys comme le faisaient les mages arcaniques ont lamentablement échouées. Il est à noter tout de même qu'il reste des traces de magie arcaniques dans le monde. En effet, certains sorts lancés avant la dégénérescence perdurent toujours, notamment dans les anciennes cités. Il n'est cependant plus possible d'en créer de semblables, et il convient de se méfier de ceux qui sont encore actifs car beaucoup ont été altérés dans leur fonctionnement et peuvent avoir des effets hautement indésirables. Il en va d'ailleurs de même pour les objets enchantés qui n'ont pas été détruits lors du cataclysme : certains sont encore fonctionnels mais l'effet qu'ils produisent peut avoir été grandement altéré. Là encore, toutes les tentatives de créer de nouveaux objets enchantés après la dégénérescence ont échouées.

C'est cet élément qui vient principalement appuyer la thèse d'un érys conscient qui se serait spontanément réorganisé : la magie ne semble plus fonctionner comme avant. De nos jours, plus de 300 ans après la dégénérescence, personne ne peut prétendre pratiquer la magie arcanique ; il semble que l'érys ne puisse plus être modelé au gré de nos désirs, et le peu de magie qui a survécu chez les êtres humains a été grandement altérée. En effet, bien qu'il subsiste de nos jours des personnes naissant avec un don pour la magie (que l'on nomme à présent des doués), ce don est très différent de ce qu'il était avant le cataclysme.

Contrairement aux anciens mages naturels qui pouvaient faire plus ou moins ce qu'ils voulaient en manipulant l'érys, les doués ne possèdent qu'un talent spécifique : certains peuvent déplacer des objets, d'autres générer des flammes, d'autres encore guérir les blessures ou bien lire les pensées d'autrui... Leur pouvoir se limite désormais à un domaine précis. Certains individus, assez rares, possèdent deux dons de la sorte, parfois trois (mais ce dernier cas est rarissime). En plus d'être bien plus limités dans ce qu'ils peuvent faire en manipulant l'érys, ils souffrent également de deux conséquences directes à l'usage de leur pouvoir. La première est une fatigue notable du corps et de l'esprit : un usage trop important de leur pouvoir épuise les doués qui ont alors besoin de repos comme s'ils avaient pratiqué une activité intense. La seconde est un phénomène que l'on nomme «brûlure d'érys» : parfois, lorsqu'un doué fait appel à son pouvoir, l'érys brûle son corps en le traversant et lui occasionne ainsi des dégâts plus ou moins importants. Les chances de subir une brûlure d'érys (ainsi que l'importance de cette brûlure) est directement liée à la quantité de pouvoir mobilisée. C'est pour cette raison que les doués les plus puissants hésitent à utiliser leur pouvoir à son plein potentiel même lorsqu'ils en possèdent une bonne maîtrise. Il est déjà arrivé que des doués se tuent par inadvertance en faisant usage de leur don, et il arrive régulièrement, dans les régions du monde où les doués sont asservis, qu'un maître ne provoque la mort d'un de ses doués en l'ayant forcé à pratiquer la magie bien au delà de ses forces.

Autre conséquence de la disparition de la magie arcanique : le renouveau des cultes envers les dieux. En effet, si la magie arcanique a disparue et la magie naturelle a été profondément altérée, il n'en va pas de même pour les miracles : les prêtres sont toujours capables de solliciter leurs dieux au travers de prières afin d'accomplir des prouesses magiques (bien qu'ils soient maintenant soumis à la même fatigue et au même risque de brûlure d'érys que les doués). Les divers cultes ont connu un véritable essor depuis la dégénérescence, si bien que certains parlent de «seconde ère des dieux» pour désigner la période actuelle. Le fait que la magie divine ai survécu à la dégénérescence est l'argument principal de ceux qui avancent que la dégénérescence était une punition orchestrée par les dieux que nous avions délaissés. Il semble tout de même y avoir deux différences notables avec ce qu'était la prêtrise avant la dégénérescence. La première chose est que les dépositaires d'un pouvoir divin portent maintenant tous une marque sur le corps ressemblant à une brûlure étrange (d'une couleur rouge-orangée la plupart du temps), dont la forme semble être toujours la même pour un dieu donné (même s'il paraît qu'un dieu peut apposer des marques de formes différentes). Seules les personnes possédant une telle marque peuvent désormais recourir à la magie divine (d'où l'appellation de «marqués» pour désigner ces personnes). La seconde différence est qu'il semble que n'importe qui puisse être marqué à condition de partager la philosophie d'un dogme religieux. Autrement dit, de nombreux marqués ne sont pas des prêtres (bien que la plupart de ces derniers le soient) mais exercent des professions diverses et variées. Il semble que cela soit une différence importante avec ce qui se faisait pendant l'ère des mages où prêtres et faiseurs de miracles désignait le même groupe de personnes.

Depuis la dégénérescence, davantage de bébés naissent avec une malformation. Cela reste très minoritaire, mais c’est tout de même bien plus fréquent qu’auparavant, et ces malformations présente une diversité bien plus importante : outre les membres atrophiés, certains naissent avec des membres supplémentaires, des os plus fragiles, une couleur de peau étrange (j’ai déjà vu un homme avec la peau presque bleue), une fourrure, une queue à la manière des krells, de longs crocs... On appelle ces personnes des altérés. Généralement ils ne vivent pas bien longtemps, soit parce que leur altération est trop handicapante pour leur permettre de survivre, soit (et surtout) parce que les parents s’occupent de le faire disparaître promptement, prétextant une fausse couche, afin de ne pas avoir à s’afficher avec un enfant que certains vont qualifier de monstre. Les altérés sont assez mal intégrés à notre société, ils sont souvent victimes de moqueries et rares sont ceux qui atteignent un statut social respectable... dans les pays les plus tolérants envers eux. Dans certaines contrées du monde ils sont considérés comme la cause de tous les malheurs, sont parfois réduits en esclavage ou bien systématiquement tués à la naissance comme en Querv où une loi interdit de mettre au monde un enfant altéré.

Mais l'humanité n'est pas la seule à avoir été marquée par le cataclysme. De nombreuses espèces animales ont disparu (ou presque) tandis que d'autres ont émergées. Certaines semblent être des altérations d'espèces existantes (à ceci près que ces altérations sont héréditaires), mais d'autres semblent entièrement nouvelles et encore de nos jours, plus de 300 ans après la dégénérescence, les récits impliquant des créatures jamais vues jusqu'alors restent monnaie courante. La flore a également été affectée de la même manière, de nombreuses espèces de plantes (dont certaines semblent conscientes) ont été découvertes depuis le cataclysme, et d'autres continuent de l'être au fil des ans.

Enfin, la terre elle-même a été durablement marquée par la dégénérescence. Outre l'apparition de la Nouvelle mer et les transformations plus localisées comme des fissures dans le sol ou des cours d'eau qui ont été détournés, certains endroits du monde ne semblent plus respecter les lois naturelles usuelles : objets et êtres vivants qui ne sont presque plus soumis à leur poids, flammes qui jaillissent spontanément et sans aucune raison, air toxique, altération des couleurs... Ces altérations de l'environnement sont plus fréquentes dans les zones qui étaient peuplées à la fin de l'ère des mages (en particulier autour des grandes cités), mais les endroits sauvages ne sont pas épargnés pour autant.

Les immortels

Je ne peux pas parler de la dégénérescence et de ses conséquences sur l'ère actuelle sans parler des immortels. Au nombre de huit, ces humains exceptionnels ne souffrent pas des effets du temps et, s'il peuvent être tués, ils reviennent à la vie exactement tels qu'ils étaient au bout de seulement quelques jours. Chacun d'entre eux est un doué possédant plusieurs dons, et contrairement aux autres doués ils semblent ne pas souffrir de l'effet de brûlure de l'érys (ils souffrent tout de même de la fatigue lors de l'utilisation de la magie, bien qu'ils la supportent mieux que le commun des mortels).

Mais d'où vient leur immortalité ? Voila une question qui continue d'animer bien des débats. En vérité, on ne sait pas tant de choses que ça sur eux. Ce dont nous sommes certains est qu'ils sont tous nés avant la dégénérescence, car ils étaient là dès les premiers jours de la reconstruction. Ce qu'on ignore, en revanche, c'est s'ils étaient déjà immortels avant le cataclysme, ou s'il s'agit d'une autre résultante de cette gigantesque perturbation magique. Évidemment, cette question (ainsi que beaucoup d'autres) a été posée aux immortels, mais leur réponse a toujours été la même : la dégénérescence a profondément affecté leur mémoire, si bien qu'ils n'ont presque aucun souvenir de leur vie avant le cataclysme. On ne sait donc pas vraiment qui ils sont (ou du moins qui ils étaient à l'ère des mages), mais il semble raisonnable de penser que leur immortalité date de la dégénérescence (ou peu avant) car pour l'instant aucun des rares textes récupérés de l'ère des mages ne mentionne leur existence. Une hypothèse répandue est qu'ils seraient les incarnations de certains dieux qui auraient profité de la dégénérescence pour se projeter dans une enveloppe physique (et certaines personnes vouent effectivement un culte aux immortels en les considérant comme des dieux ou des demi-dieux). Une autre idée partagée par beaucoup de monde est qu'ils étaient de grands mages de l'ère précédente qui se seraient rendus immortels grâce à leurs immenses pouvoirs (ce qui leur aurait également permis de survivre à la dégénérescence). Cette idée est souvent accompagnée d'une autre : ils seraient (au moins en partie) responsables du cataclysme. Cette affirmation est surtout portée par ceux qui défendent la thèse d'une utilisation excessive de la magie qui aurait dépassé un seuil critique : ainsi, les immortels, en tant que grands pratiquants de la magie arcanique, seraient partiellement responsables du dépassement de ce seuil. C'est une idée qui ne fait pas l'unanimité, y compris chez les défenseurs de cette thèse. En effet, les immortels possédant des dons, ils se rapprochent davantage des mages naturels que des mages arcaniques. De plus, les mages les plus puissants ont été les plus touchés par la dégénérescence, et seule une très infime portion d'entre eux ont survécu aux quatre jours qu'a duré le cataclysme (et aucun d'entre eux n'a vécu ensuite plus de quelques années à cause des lourdes séquelles qu'ils en ont gardées).

La question de savoir ce qu'étaient les immortels avant la dégénérescence est évidemment très intéressante, mais elle me parait l'être moins que celle de savoir ce qu'ils sont aujourd'hui. Certains font office de chef ou de guide pour l'humanité, d'autres parcourent le monde pour apporter leur assistance à ceux qui en ont besoin ou bien poursuivent des objectifs connus d'eux seuls. En tout cas, ils font tous l'objet d'une certaine vénération par une partie de la population, et d'une certaine méfiance (voire une certaine crainte) par une autre partie. Pour ma part, et c'est là la seule opinion personnelle que je livrerai, je pense qu'ils sont des humains comme les autres, avec leurs désirs, leurs qualités, leurs défauts et leurs humeurs. Des humains comme les autres, que leurs pouvoirs et leur immortalité rendent exceptionnels.

Je vais vous faire ci-dessous une brève présentation de ces huit hommes et femmes, bien qu'il ne s'agisse pas vraiment du sujet de cet ouvrage (j'estime malgré tout qu'il est pertinent de parler d'eux dans un traité relatant l'histoire d'Aethoria, étant donné qu'ils ont contribué à forger le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui).

Commençons par Mérilys, sans doute la plus connue des huit pour la simple et bonne raison qu'elle est la seule d'entre eux à diriger l'un des royaumes d'Aethoria. Souveraine d'Euveyr depuis sa création, elle fait la fierté des habitants de cette contrée et beaucoup d'entre eux la considèrent presque comme une déesse. Mérilys a la réputation d'être une dirigeante juste et se souciant de son peuple. C'est également une anti-esclavagiste convaincue qui a largement contribué à l'abolition de l'esclavage dans de nombreuses contrées, et elle a en particulier beaucoup œuvré pour l'affranchissement des krells et leur reconnaissance en tant qu'êtres égaux aux humains, raison pour laquelle elle a une forte popularité auprès des représentants de cette race.

Horgar est un autre immortel très populaire. Géant de plus de 2 mètres à la carrure imposante, féroce guerrier à la barbe et aux cheveux hirsutes et maniant une lourde hache, il est cependant surtout connu pour sa sympathie et son accessibilité. Horgar parcourt Aethoria en long et en large, donnant un coup de main à qui en a besoin au gré de ses humeurs. C'est quelqu'un de proche des petites gens, le genre de personne que vous avez de bonne chances de trouver dans une taverne en train de siroter un pichet de bière tout en racontant ses aventures à un auditoire captivé.

Excellente guerrière elle aussi, Jasmira (probablement originaire de Tsungen au vu de son physique) ne jouit pas de la même popularité que Horgar. Beaucoup plus réservée et assez peu engageante, elle cherche rarement de la compagnie et peu de personnes osent l'aborder lorsqu'ils la croisent. Sa réputation sur le champ de bataille n'est plus à faire, se jetant dans la mêlée sans craindre la mort (et pour cause) et tout commandant d'armée est ravi de l'avoir dans ses rangs. Bien qu'aucun compte formel n'ai jamais été tenu, beaucoup disent que Jasmira est celle des huit qui est morte le plus grand nombre de fois (et sans doute de loin).

Pour autant que je sache, Melchior et Céris ont toujours été en couple, ce qui fait qu'ils sont ensemble depuis plus de 300 ans. Céris est une excellente guérisseuse (tant par son don de guérison que par sa maîtrise de l'apothicairerie qu'elle a aidé à développer au cours des siècles) et met ses talents au services de ceux qui en ont besoin tandis que Melchior, grand amateur d'art et de tout ce qui est raffiné, est plus proche des cercles de pouvoir, passant la plupart de son temps dans de nombreuses cours de divers royaumes.

Autre immortelle proche de la noblesse, Aldéline passe le plus clair de son temps à servir de conseillère auprès des dirigeants. L'opinion des gens semble très partagée à son sujet : d'un côté, elle a tendance à se comporter avec les simples mortels que nous sommes comme une mère avec ses enfants, mais de l'autre côté elle est assez altruiste, a notamment aidé de nombreux doués à maîtriser leur don et les conseils qu'elle donne aux souverains sont généralement avisés et en faveur du peuple. Aldéline est également une pacifiste convaincue qui essaye toujours de trouver une issue diplomatique à un conflit.

Dogal est le seul des huit immortels qui a tiré profit de cette longue vie pour amasser une fortune colossale. Gérant d'innombrables commerces, il est aujourd'hui un des hommes les plus riches d'Aethoria (peut être même le plus riche) et vit dans sa luxueuse demeure située en Talsem. Il est sans doute l'immortel le moins populaire de tous (encore que ce titre doit se disputer entre lui et Jasmira), à part peut-être de la part de ses employés qu'il a la réputation de payer grassement.

Enfin il y a Falas, le plus mystérieux de tous. On ne sait presque rien de lui pour la simple et bonne raison qu'il préfère se cacher. Possédant un don de métamorphose qui lui permet de ressembler à n'importe qui, il peut facilement se mêler au peuple en passant... pour n'importe qui, justement. Personne ne sait aujourd'hui qui il est, et il se pourrait qu'il soit votre voisin ou votre meilleur ami sans que vous le sachiez.