L'École de Lazz, un établissement sous-financé, situé dans un quartier violent, loin des lumières de l'Harmonium et de la justice sociale.
Henk Borson n’en finissait pas de trembler : les traces de sang sur le sol, sur les murs, témoignaient d’une scène particulièrement violente. Cette pauvre femme avait été semi-assassinée (c’était le terme employé par Shmolz) dans des circonstances qu’ils devaient encore éclaircir.
Les autres enseignants avaient eux aussi eu quelques difficultés à contenir leurs émotions, et les élèves qu’ils avaient croisé quelques minutes plus tôt semblaient terrifiés. Seul Herioch Shmolz restait impassible, analysant froidement la scène tel un chirurgien devant une table d’opération. Herioch Shmolz : enquêteur, fin bretteur et homme du monde.
_Mon cher Borson, je suppose que vous avez une théorie ?
Comme toujours, Borson ne voulait pas faire honte à son ami. Shmolz avait tenté de lui apprendre les ficelles du métier mais c’était peine perdu, car il existait entre eux un véritable gouffre intellectuel. D’un côté les pensées simples d’un homme simple, un raisonnement commun que l’on pourrait trouver n’importe où ailleurs dans la Cage. De l’autre une architecture mentale si complexe qu’elle semblait définitivement inatteignable. Boisson parla d’une voix forte, comme pour se donner du courage :
_Étant donné ce que nous avons vu du corps, enfin… de la… de la semi-morte et des traces de sang ici, hum… je dirais que les blessures ont étés causées par une sorte de lame, probablement assez lourde, peut-être une lame de cérémonie… ?
_Continuez Borson vous tenez peut-être quelque chose.
Shmolz avait un petit sourire ironique au coin des lèvres. Le pauvre docteur compris avec désarroi qu’il faisait absolument fausse route mais continua malgré tout son exposé.
_Peut-être que cette arme est une voleuse de vie, ce qui serait correspondrait aux informations que l’on a obtenu plus tôt, via le sort divinatoire lancé dans cette pièce. Peut-être cet homicide - ce semi homicide pardon - a t-il un lien avec un quelconque rituel ?
Borson se pinçait les lèvres, comme un élève pris en flagrant délit d’ignorance par son professeur.
_Une théorie très intéressante. Mais qui, je le crains, ne passera pas le cap du réel.
_Monsieur Shmolz, excusez-moi, c’est juste que toute cette histoire je n’y comprends rien. Ça me fait peur, hein. En plus.
_Inutile de vous excusez mon cher, je voulais simplement avoir une autre perspective sur l’affaire. Votre aide m’est précieuse, ne l’oubliez jamais. A présent, regardons d’un peu plus près les éléments dont nous disposons.
Nous savons que l’auteur du crime est rapide et peut se fondre dans les ombres. Nous savons également qu’il possède une mâchoire relativement large, comme l’ont montré les blessures. Enfin, nous savons que le criminel vole l’essence vitale de ses victimes. Vous comprenez ce que cela signifie Borson ?
Shmolz avait dans la voix une pointe d’excitation, l’enquête avait pris un tournant qui attisait enfin sa curiosité, ou du moins son intérêt.
_Je-je ne crois pas monsieur, bégaya Borson
_Il s’agit d’un hybride vampire, souffla Herioch Shmolz plein de compassion devant la lenteur de son ami.
Le célèbre enquêteur pointa du doigt un angle du plafond.
_Voyez-vous cette tache ?
_Heu… oui, je crois.
_Une trace de griffe, et pas n’importe laquelle : un Desmodus ! Il s’agit donc d’un hybride vampire-Desmodus.
La démonstration du demi-elfe était parfaite, comme toujours. Mais plus encore que cette perfection, c’était la simplicité déconcertante avec laquelle Herioch Shmolz assemblait les différentes pièces d’une scène de crime qui étonnait toujours Henk Borson. Comme si le plus complexe des puzzles n’était pour lui qu’une banalité. Pourtant, malgré toute l’intensité de son activité cérébrale, le bon docteur avait conscience qu’il n’égalerait jamais son ami. Demeurait alors sa consolation de côtoyer et même d’être l’ami et le confident du plus grand détective du Multivers.
Borson fut parcouru d’un frisson. Une bête démoniaque, sortie tout droit du fin fond de l’Acheron, prenant pour cible des citoyens au hasard !
_Mais enfin Shmolz ! Nous sommes perdus ! Que pouvons nous faire contre une telle créature ? Il faut convoquer l’Harmonium !
Herioch Shmolz s’autorisa un petit rire, ce qui ne lui arrivait pas souvent.
_Allons, Borson, reprenez-vous, la situation n’est pas si désespérée. Nous connaissons l’instrument du crime - un vampire-Desmodus - ne maîtrisant pas encore tout à fait ses pouvoirs et ivre de rage contre ceux qu’il rend responsable de son état, je parle bien sûr du corps enseignant. Nous connaissons également l’initiateur de cette désolante situation : Grumph.
Borson eu le souffle coupé en entendant ce nom. Cet homme de main de Morgath feignant toujours la paresse et la maladresse faisait parti des plus vils personnages de la Cage. Retors, dénué de scrupule, sa ruse était entièrement au service de sa maîtresse. Shmolz avait failli le coincer la dernière fois, mais un système corrompu, l’effacement des preuves et des quantités faramineuses de pièces d’or lui avaient permis de se soustraire à la justice. Sans le regard aiguisé de Shmolz, Borson n’aurait jamais songé un seul instant que cet individu à l’air bonhomme puisse être un malfaiteur.
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