Sans-Nom avait fini son repas. Il avait tout mangé. Même les os étaient tendres. Une poussière rougeâtre se soulevait à chacun de ses pas et l'odeur du sang emplissait ses narines. Il en voulait plus à présent. Plus de chair fraîche.
Les manger-rouges l'avait laissé ici, au fond d'une sorte de puit, dans un cercle de sable. Il était resté longtemps sans nourriture. Puis les manger-rouges avaient fait descendre des manger-rouges plus petits, des bébés. Sans-Nom savait que les manger-rouges allaient grandir : il fallait qu'il en tue le plus possible. Et puis il avait faim. Très faim.
Sa mère n'était plus là. Son père non plus. Quant à ses frères il ne les aimait pas et il allait devoir se battre avec eux pour les meilleurs morceaux. Il en avait déjà tué un, faible et idiot, qui voulait s'échapper. Il était vraiment stupide, car on ne pouvait pas échapper aux manger-rouges. Tout en haut les manger-rouges criaient des ordres à Sans-Nom et lui lançaient des pierres et des bouts d'os. Ils lui disaient de ne pas juste tuer les manger-bébés, ils lui disaient : « quand tu en tue un tu dois le manger ! ». C'était une ruse. Les manger-rouges étaient malins, mais moins que Sans-Nom. Il arracha une jambe potelée d'un manger-bébé hurlant avant d'écraser son petit cou avec sa patte. C'était drôle de voir la peur dans leurs yeux. Sans-Nom était fort. Puis il se rua sur l'un de ses frères, le plus grand, le plus costaud. Le combat ne dura qu'un court instant. Sans-Nom avait pris son adversaire par surprise : ses crocs acérés associés à un mouvement sec de la mâchoire lui brisèrent la nuque. Sans-Nom poussa un hurlement avant se s'avancer, lentement, vers sa nouvelle proie : un manger-bébé pleurant et bavant qui poussait des cris aigus. Arrivé à portée, Sans-Nom ouvrit sa gueule. Il fut surpris lorsque les petites mains griffus du manger-bébé se refermèrent sur son museau. Sans-Nom secoua la tête mais les petites mains crispées semblèrent s'enfoncer encore plus profondément dans sa chair. Sans-Nom continua de secouer la tête et réussit finalement à projeter le manger-bébé un peu plus loin. Le manger-bébé continuait de pleurer. Il était blessé aussi, et il regarda Sans-Nom droit dans les yeux : il avait l'air triste et en colère. Sans-Nom avait encore faim mais le manger-bébé n'avait pas beaucoup de viande sur lui. Et il y avait autre chose : le manger-bébé avait cessé de regarder Sans-Nom et ses petits yeux fixaient le haut du puit, d'où dépassaient les têtes des manger-rouges.
Tout seul, Sans-Nom ne pouvait rien contre les manger-rouges. Mais avec un manger-rouge à lui il pourrait peut-être gagner. Peut-être même qu'il pourrait l'élever et ensemble ils tueraient tous les manger-rouges. Puis ils partiraient sur les autres cubes de l'Achéron-monde. Et là ils tueraient des manger-elfes, des manger-nains et toutes les créatures possibles. Ils rongeraient des os de manger-dragons.
Sans-Nom vint auprès du nouveau-né, pour le protéger cette fois-ci. Et nul Worg n'osa esquisser le moindre mouvement vers leur frère, car il était le plus féroce de la meute.
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"The crime is life, the sentence is death !"